Un beau matin, alors que le soleil se levait sur le champ de maïs d'un couple de bipède, non loin de leur ferme. Dans ce champ, une jolie chatte blanche et son compagnon attendent. Le ventre gonflé de la chatte blanche indique qu'elle attend des petits, et le regard gêné du chat gris assis près d'elle démontre son inquiétude. Il n'avait jamais voulu de chatons, mais, malheureusement, sa compagne était tombée enceinte, pour le plus grand bonheur de la chatte. Il se pencha vers elle, peu rassuré.

" Neige, je ne pense pas être capable de m'occuper de ces chatons, je...
- Ne t'inquiète pas, le coupa-t-elle. Ils ne te mangeront pas, tu dois juste leur donner de l'amour, jouer avec eux et nous protéger.

- Mais, je ne serais jamais capable de me comporter en bon père...
- Atsuo. Tu t'occuperas très bien d'eux, rassure-toi. Et puis nos bipèdes m'aideront.

- Hm... Je vais faire un tour.
- Et si je met bas ?
- Je reviens vite. Je te le promet. "

Atsuo fit volte-face et disparut parmi les hautes plantes. Neige soupira et s'allongea. Elle savait que son compagnon n'était pas à l'aise depuis qu'elle lui avait annoncé qu'elle était pleine. Leurs bipèdes étaient vraiment contents, et elle aussi. Tant pis pour Atsuo, elle saurait s'occuper de leurs chatons. Malheureusement, il ne revint pas.

Une dizaine de lunes plus tard, la même scène se reproduisit, dans le même champ. Sauf que cette fois, ce n'était pas Prince qui était auprès de Neige. C'était moi, Maï, son unique fille, seule survivante de sa première portée. Mes frères et soeurs étaient morts car ils étaient trop faibles. Maintes fois, ma mère m'a raconté l'histoire de notre naissance, la désertion de mon père, la mort de mon frère, attrapé par un chien, et celle de ma soeur, lors de l'hiver qui a suivi notre naissance. Je levais la tête vers ma mère. Elle fixait l'horizon, allongée sur le flanc. Je m'allongeais contre son ventre, dans l'attente de mes petits frères ou petites soeurs. Enfin, j'allais avoir un peu de compagnie ! Je sentis sa langue râpeuse passer sur mon oreille, et elle murmura :

" Maï, ma chérie, je crois que cette portée va être ma dernière. Prends bien soin de tes frères et soeurs, je te fais confiance. Dès qu'ils sont nés, prends-en un en porte-le sur quelques longueurs de queues, puis va chercher le deuxième, et amène-les comme ça chez nos bipèdes. Ils s'occuperont bien d'eux, et vous vivrez ensemble. Je t'aime fort.

- Mais, Neige... Tu n'as pas le droit de me laisser !

- Je suis vraiment désolée, ma chérie.

- Non, non, non, tu n'as pas le droit ! Je n'arriverais pas à m'occuper d'eux ! Viens, lève-toi, on va retourner chez nos bipèdes, ils s'occuperont de toi !

- Non, Maï. C'est fini. Je m'en vais.

- MAMAN, NON ! "

Je m'étais levée, les poils dans tous les sens. Elle ferma les yeux et je vis son corps traversé de soubresauts. Les petits arrivaient. Un petit paquet mouillé tomba sur le sol et je l'ouvris. J'eus un sursaut d'horreur. Mon petit frère baignait dans le sang, ses yeux minuscules grands ouverts et la bouche dégoulinante du liquide rouge. Il s'était noyé avant de vivre.
Je reculais, les yeux trempés de larmes. Neige fixait mon frère mort-né avec tristesse. Elle me regarda et haussa les épaules.

" C'est le seul. Je suis vraiment désolée, Maï. " 

Et, pour mon plus grand malheur, elle ferma les yeux et se mit à haleter. Elle avait perdu beaucoup trop de sang durant la mise bas. La terre s'était colorée de rouge, le sang imprégnait son pelage et la fourrure de mes pattes. Ma mère lâcha son dernier soupir, qui forma une petite bulle dans le liquide chaud, et qui finit par éclater, comme ma vie. Ma mère venait de mourir, comme mes deux frères et ma soeur. Mon père avait disparu. J'étais seule au monde.
Je tombais allongée, les épaules basses, fixant les eux cadavres de mon regard horrifié. Ce n'était pas possible. Ce n'était pas vrai. Je fermais les yeux et secouais lentement la tête. Impossible.

En cours, désolée.